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Sihonné et autres récits
29 septembre 2008

La nuit des lames rouges *1*

L’Impératrice venait seulement de mourir. Un épais nuage de poussière noire inondait les ruelles de Sizite. L’odeur de la mort se répandait dans les maisons, rattrapant les habitants qui n’auraient pas assisté au spectacle. Les Dieux venaient annoncer la fin de l’aséthriste, cela ne faisait aucun doute pour les sihonnites. Et cette apocalypse matérialisée était le funeste message qu’ils envoyaient. Mais les citoyens de Sihonné ne ressentaient aucune peur pour autant. Ils avaient la certitude que l’Impératrice avait réussi et que le sort du peuple était sauf. Et à vrai dire, si la peine était là, elle s’exprimait de façon plutôt modeste et modérée. Les pleurs étaient peu nombreux, principalement les très proches de l’Impératrice, comme sa famille ou certaines des asistis. Pleur pouvait même paraître exagéré. Des sanglots, des reniflements, quelques larmes, tout au plus. Tristesse il y avait, mais contenue. Un sihonnite n’exhibait jamais ses ressentis et sentiments quand il s’agissait d’un malheur. Même en cas de décès. Même pour un proche.

Chacun serait retourné à ses occupations. Chacun aurait repris le cour de son existence avec une petite pensée enfouie pour l’Impératrice Sohina. La civilisation sihonnite devait continuer d’exister, continuer de prospérer. Tout rentrerait dans l’ordre d’ici quelques heures. Quelques minutes. Mais il n’en fut pas ainsi. Et c’est à ce moment là qu’intervint le sénateur Matrémi appuyé par son camarade Octivus Noméanus et une grande majorité du sénat. En tout une cinquantaine d’hommes qui se regroupèrent et se mirent en face de la foule silencieuse.

- « Mes chers amis », harangua Matrémi l’air grave et peiné. « Notre grande Impératrice est morte pour nous. Nous lui devons la vie. Nous lui devons l’avenir de la civilisation Sihonnite. C’est pourquoi je vous demanderais à tous de partager la même peine et de marquer notre chagrin par une journée d’isolement commémoratif. Vous devrez tous quitter votre activité, votre travail, votre occupation pour retrouver vos demeures, et ceci pendant une durée de deux lunes. En hommage à votre Impératrice, vous observerez le jeûne sur cette même durée ainsi que le silence. Bon repos les amis, et que les Dieux vous soient bons et favorables. »

Puis l’ensemble des sénateurs se rapprocha des sihonnites présents, pas loin de trois milles tout de même, et les invitèrent en les orientant avec les bras à rejoindre leurs habitations. Ils arrivèrent à leurs fins assez aisément, et la population se montra des plus dociles. Désorientée qu’elle était, cela n’avait rien de surprenant. Pour cause, jamais ils n’avaient eu par le passé à suivre le moindre ordre d’une quelconque personne, et surtout pas d’un sénateur, et jamais ils n’avaient du ainsi porter un deuil. Le deuil d’ailleurs était un concept inexistant en Sihonné. Ce mot n’avait pas cours dans la langue sihonnite. Face à ce qu’il se passait, les sihonnites ne purent montrer la moindre protestation, ne comprenant pas ce qu’il était en train de se passer. Ne réalisant pas que certains pants de la civilisation qu’ils formaient venaient d’être simplement mis à bas.

Et ainsi, toute la grande citadelle s’endormit pendant près de deux jours. La vie permanente dans les ruelles quitta provisoirement Sizite pour mieux souligner la mort de l’Impératrice. Chaque habitant resta terré dans sa logia sans rien dire, rien manger, accompagné de ses proches en se contentant de dormir pour mieux laisser passer le temps. Et ce n’est pas seulement la tristesse qui gagna chaque sihonnite vivant dans la grande citadelle, mais aussi l’incrédulité voire la peur. Car l’isolement et le silence avait engendré une solitude que ne connaissaient pas les sihonnites. Et pire, la peur de l’ennemi revint dans les esprits. Et ce qui devait être jours de victoire se transforma en jours sombres pour tout un peuple.

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